Retraités d’accord, inactifs non. Les plus de 60 ans ne passent par leur temps à s’amuser en croisière ou à regarder le temps qui passe par la fenêtre. Ils sont au contraire très engagés dans la vie citoyenne. Et en plus c’est bon pour leur santé !
D’après une étude IFOP publiée en 2013, la France compterait près de 27 millions de bénévoles. Ces gentils volontaires agissent dans le cadre d’une association (12,7 millions), d’une organisation syndicale, politique ou religieuse (4,2 millions) ou encore dans le cadre d’une entraide informelle hors liens familiaux (9,7 millions). 50% d’entre eux ont plus de 65 ans.
Le pouvoir gris
Non seulement les plus de 65 ans sont largement engagés dans une activité bénévole (environ un tiers d’entre eux), mais en plus ils tiennent les rênes : « Les deux tiers des dirigeants associatifs sont des retraités », rapporte ainsi Dominique Thierry, sociologue et président de France Bénévolat. Les seniors exercent également largement les responsabilités dans les conseils municipaux et autres organisations territoriales. Seule petite ombre au tableau, mais ce n’est pas une surprise, ce « pouvoir gris », comme on l’appelle, reste essentiellement un club de vieux messieurs : les femmes n’ont sans doute pas assez de barbe grise pour y siéger dignement…
Actif/passif
Obligations familiales (s’occuper de ses parents et/ou de ses petits-enfants), loisirs (voyages, bien-être…), persistance d’une activité professionnelle (conseil, formation…) et bénévolat (majoritairement dans les domaines du sport/loisir – 48% – et du social/caritatif – 31% : les seniors sont donc loin d’être inactifs, d’après l’étude IFOP/France Bénévolat 2013. Mais l’INSEE, hélas, continue de les considérer comme tels. Le Bureau International du Travail recommande pourtant que trois formes de travail soient identifiées, distinguées et comptabilisées : le « travail rémunéré », le « travail bénévole » et le « travail domestique ». Ce ne serait effectivement que justice, car cet engagement social et familial, en dehors du monde du travail rémunéré, revêt une utilité sociale majeure.
Le nombre d’associations en activité est estimé à 1,3 million en France. Pour l’Etat, « les associations constituent un corps intermédiaire à part entière, essentiel à l’exercice de la démocratie et au développement des solidarités » (site du ministère de l’Intérieur). En effet, l’action bénévole agit là où le secteur marchand ou public est inefficace car elle nécessite un investissement humain très coûteux et peu rentable : action sociale, culturelle, sportive… Il ne s’agit pas uniquement d’altruisme, ou de s’occuper quand on est à la retraite pour tromper l’ennui. Il s’agit de participer à la vie citoyenne autrement qu’en payant des cotisations, et d’être socialement reconnu pour cela. En d’autres termes, se sentir utile – une attente qui ressort de toutes les enquêtes menées auprès des retraités.
Une cure de jouvence
En effet, le Centre d’Analyse Stratégique, conseil d’experts rattaché au Premier ministre, soulignait en 2011 qu’un « lien direct entre la pratique d’une activité bénévole et l’amélioration du bien-être physique et psychologique a été mis en évidence par plusieurs recherches menées aux États-Unis, au Canada ou aux Pays-Bas ». Cela se révèle d’autant plus vrai chez les seniors bénévoles, qui connaîtraient un taux de mortalité et de dépression plus faible et de meilleures capacités fonctionnelles que les autres seniors. Les personnes pratiquant une activité physique ou bénévole présentent des fonctions cognitives de 2 à 3 ans plus « jeunes » que les autres, confirme l’enquête SHARE (Survey on Health, Ageing and Retirement in Europe, de l’Université Paris Dauphine), portant sur 22 000 Européens de plus de 50 ans. Si les conclusions de l’enquête s’appuient sur des corrélations statistiques et ne démontrent pas le lien de causalité entre activité et santé (il est possible, en effet, que les personnes en meilleure santé pratiquent tout simplement plus d’activité, et non que l’activité améliore leur santé), de nombreuses publications et recherches accréditent néanmoins l’idée que donner de son temps et de son énergie serait bon pour la santé.
Les vieux, ça rapporte
Et ce n’est pas le seul apport des retraités bénévoles. Selon le Crédoc, après 65 ans, le ralentissement progressif des activités et les occasions de sorties moins fréquentes provoquent une forte baisse des dépenses en alimentation, habillement, loisirs, transports, communication et soins de beauté. Une reprise d’activité régulière de tous les séniors – enfin ceux qui le peuvent – pourraient doper le tissu économique local, d’autant qu’ils vont être démographiquement de plus en plus nombreux.
Etre retraités bénévoles, ça peut aussi faire voyager, à l’image de Daniel et Brigitte Michel, partis en mission humanitaire en Inde à près de 65 ans, ou des volontaires de l’association AgirABCD qui partent en France ou à l’étranger pour, par exemple, construire une école en Afrique…
Usbek & Rica