Michèle Delaunay, l’ancienne ministre déléguée aux personnes âgées et à l’autonomie, a initié et préparé la loi d’adaptation de la société au vieillissement qui a été adoptée mi-septembre en 1ère lecture à l’Assemblée nationale. Elle nous livre sa vision du Care.
Génération Care : Le Care, qu’est-ce que c’est ?
Michèle Delaunay : Je crois à la responsabilité de bienveillance et de sollicitude que chacun a vocation à porter envers l’autre, en particulier lorsqu’il est vulnérable et en perte d’autonomie, dans une relation d’échange et de réciprocité. C’est d’ailleurs toute la richesse du CARE, qui ne saurait se réduire à une relation presque condescendante à sens unique envers les personnes les plus fragiles, mais nous renvoie plus fondamentalement à nos propres vulnérabilités et au besoin de l’autre pour donner sens à la vie. Susciter l’engagement et améliorer l’accompagnement, c’est promouvoir un modèle de société plus fraternelle, plus apaisée et réconciliée avec les plus fragiles. Un modèle de société qui ne repose pas sur les valeurs du plus fort, du plus jeune ou du plus rapide, mais s’inscrit dans une mémoire et se projette dans la durée.
Le Care impose aussi de dépasser les limites du « cure » (soin en français), en inscrivant le soin dans une relation aidant-aidé et dans une démarche d’accompagnement plus globale, comme en témoigne notamment le volet anticipation et prévention du projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement, que je m’apprête à présenter en Conseil des ministres. Relever collectivement le défi de l’allongement de la vie, c’est assumer un autre rapport au temps et une autre manière de vivre ensemble.
G.C. : Le Care est-il l’affaire de toutes et tous ?
M. D. : Oui, mais il ne s’agit évidemment pas pour les pouvoirs publics de se désengager : c’est même tout le contraire avec les 645 millions de dépenses nouvelles qui sont prévus par mon projet de loi, et les 140 millions d’euros de crédits supplémentaires votés cette année pour médicaliser, c’est à dire renforcer les personnels soignants dans les maisons de retraite. Nous sommes pleinement dans notre rôle : mobiliser la société tout entière pour engager un mouvement d’ensemble et accompagner la transition démographique.
En luttant contre l’isolement des âgés, en encourageant l’engagement citoyen des âgés, en soutenant les aidants, nous dessinons une nouvelle société qui réconcilie l’action publique et la citoyenneté, au nom des valeurs de la République. Ainsi, avec le projet de de loi d’adaptation de la société au vieillissement, nous développons des actions de soutien et de répit pour les aidants, mais nous soutenons aussi les associations engagées depuis longtemps au côté des aidants, nous encourageons les professionnels du secteur médico-social à faire toute leur place à ces aidants, et les entreprises à prendre en compte les problématiques des salariés dans cette situation.
G.C. : En quoi peut-il apporter du progrès dans la société actuelle ?
M. D. : Le CARE peut incontestablement nous aider à relever le défi de la révolution de l’âge liée à l’allongement de la vie, qui constitue avant tout une bonne nouvelle pour tous les Français (car elle est porteuse d’un nouveau projet de vie pour chacun d’entre nous), pour la société toute entière (car elle est porteuse d’un véritable projet de société, fondé sur de nouvelles solidarités et de nouveaux liens intergénérationnels), et aussi -ne l’oublions pas- pour l’économie française (car elle est susceptible de créer plusieurs milliers d’emplois non délocalisables dans les années à venir). Il s’agit donc de changer de regard sur le vieillissement et de promouvoir une vision positive de l’âge, au bénéfice de toutes les générations.
G.C. : La Silver économie peut-elle être au service du care ?
M. D. : Le champ de la Silver économie est très vaste : il s’étend des technologies les plus avancées de la domotique et de la robotique, jusqu’à l’habitat, la mobilité, le tourisme pour seniors… en passant par les aides techniques les plus simples et toute la gamme des services de téléassistance ou bouquets de services. Son périmètre est en expansion continue, puisqu’elle a vocation à irriguer tous les marchés, l’objectif est de structurer une industrie du vieillissement en capacité de répondre à un marché mondial de près d’un milliard d’âgés. L’enjeu est de créer un écosystème national et régional, porteur de croissance, d’emplois, et d’investissements dans nos « clusters », ou grappes d’entreprises, au sein des Silver régions.
La Silver économie concerne également les femmes et les hommes qui mettent leurs compétences au service de l’aide à l’autonomie. Pour assurer une meilleure prise en compte des besoins mais aussi des attentes des âgés, une attention particulière est portée aux métiers de l’autonomie dans leur grande diversité, aux pratiques professionnelles et aux conditions d’emplois. La Silver économie est enfin un levier d’insertion riche et porteur d’utilité sociale. Elle participe à la bataille du Gouvernement pour un emploi de qualité, reconnu et valorisé.
C’est donc un parfait outil du Care dès lors que la Silver économie est clairement entendue comme une économie au service de tous les âgés.
Propos recueillis par Sandrine Goldschmidt