La révolution de la longévité nous amène à penser différemment la question de l’âge et du moment où l’on devient vieux. De nos jours, nous comptons environ 15 millions de retraités en France, mais le passage à la retraite n’est plus synonyme d’entrée dans la vieillesse, comme dans les années 50. Alors, qui sont les vieux ? A quel âge le devient-on ?
Cassons les préjugés…
On associe souvent la vieillesse à une vision fataliste sans trop savoir à quoi cela correspond, à l’idée que tous les vieux sont dépendants et grabataires, à l’idée qu’un « naufrage » va bientôt nous faire sombrer. On évoque bien souvent les plus de 60 ans comme un groupe d’âge homogène, comme s’ils se ressemblaient tous. Le discours dominant sur les plus de 60 ans est d’ordre démographique, médical et économique, c’est-à-dire sur le nombre, sur les corps et sur les coûts, ce qui accentue cette crainte de la vieillesse. Or, il est essentiel de prendre de la hauteur pour faire le tri sur les préjugés et les perceptions de l’âge et de la vieillesse.
La longévité est un défi, une opportunité, pas au sens où elle menace notre société, mais au sens où elle nous amène à changer de regard et à remettre en cause notre façon de penser face à cette avancée en âge.
Sortons tout d’abord du discours confus qui mélange vieillissement, vieillesse et dépendance. Le vieillissement est l’affaire de tout le monde quel que soit l’âge. On vieillit dès notre naissance, c’est un processus normal qui touche l’organisme et ses fonctions. De ce point de vue, on est toujours plus vieux qu’un autre, tout dépend où l’on pose son regard. La vieillesse est un état, un moment où l’individu peut commencer à souffrir de réelles incapacités. Dès lors, les personnes de plus de 60 ans ne forment pas toutes un contingent de vieux.
A quel âge devient-on vieux ?
L’âge de la vieillesse évolue à travers le temps en raison d’une amélioration des conditions de santé, des conditions de vie, d’une plus grande médicalisation, etc. En 1950, on devenait vieux vers 60 – 65 ans. A cette époque, l’espérance de vie était de 69,2 ans pour les femmes et de 63,4 ans pour les hommes (INSEE), et l’âge de la retraite était fixé à 65 ans. Ainsi, l’individu avait une faible profondeur temporelle à l’heure de la retraite et entrait de suite dans la période de la vieillesse. Face à ce peu de temps, les individus ne pensaient pas leur retraite comme un temps propice pour s’investir dans des activités ou pour participer à la vie sociale.
De nos jours, la situation des nouveaux retraités est inédite car leur espérance de vie sans incapacité s’étire sur vingt-cinq ans. On vit en meilleure santé et plus longtemps. L’entrée dans la vieillesse recule et il faut atteindre au moins 80 – 85 ans pour devenir vieux. De plus, ce n’est pas parce qu’on entre dans la vieillesse qu’on devient dépendant. En effet, 17 % des 75 – 84 ans perçoivent l’Allocation Personnalisée d’Autonomie et 20 % des 85 – 94 ans (DREES). Par conséquent, si l’on prend cette statistique à l’inverse, ce sont environ 80 % des plus de 75 ans qui ne la perçoivent pas et qui ne sont pas considérés en perte d’autonomie au regard des critères de cette allocation. En outre, si la perte d’autonomie survient, elle apparaît généralement en fin de vie. N’oublions pas que l’âge de l’entrée dans la vieillesse est aussi la conséquence des comportements et des caractéristiques socio-démographiques de chacun.
Un pluralisme du regard
La révolution démographique, du fait de l’augmentation du nombre des plus de 60 ans, modifie donc cette entrée dans la vieillesse, ainsi que le sens et les modes de vie à la retraite. La vieillesse ne dure pas plus longtemps qu’avant. L’entrée dans l’âge de la vieillesse a juste reculé. Dès lors, l’intervalle entre fin de vie professionnelle et vieillesse s’allonge et une nouvelle catégorie apparaît, celle des jeunes retraités.
Parler de la vieillesse aujourd’hui, c’est donc parler des plus de 80 ans et pas des plus de 60 ans. Or, on amalgame trop souvent les seniors, les vieux, les personnes âgées, les aînés etc. dans des termes qui regrouperaient les plus de 60 ans dans une vaste catégorie, perçue comme une unité sociale uniforme. Ce groupe est, au contraire, hétérogène du fait du genre, des classes sociales, des appartenances culturelles, des générations, des états de santé, du réseau social et familial, des parcours de vie, etc. On ne peut plus enfermer l’individu dans une figure univoque réductrice de la pluralité de chacun. Et puis, un vieux reste un adulte, un humain parmi les humains.
Mélissa Petit