Comment soutenir ceux qui, chaque jour, accompagnent au quotidien un proche, un ami ou un voisin ? On estime que plus de 3,5 millions de Français apportent une aide indispensable à une personne dépendante ou en perte d’autonomie. Leur réalité est donc multiple. Mais les nouvelles technologies peuvent aider ceux qui risquent de s’essouffler avec le temps. Sylvie Roussel, directrice de l’Université des aidants du Val de Marne, nous explique comment les nouveaux outils de communication peuvent être un appui. Question à une femme passionnée.
Comment est né ce projet d’Université des aidants ?
Sylvie Roussel : En 2008, j’étais directrice de l’innovation territoriale dans le Val de Marne. J’avais très envie de montrer à quel point les technologies sont intéressantes pour tous les âges. Si on les utilise sous un angle humain, elles peuvent répondre à des problématiques sociétales. J’étais déjà aidante de mes parents âgés. Si vous avez des amis qui ont plus de 50 ans, tous sont concernés. Je n’étais pas du tout dans le secteur médico-social mais j’ai soumis ce projet au président du Conseil Général du Val de Marne et j’ai fini chargée de mission en charge de ce projet.
Pourquoi utiliser internet et les réseaux sociaux ?
Sylvie Roussel : Mes enfants sont en province et mes amis à l’étranger. J’ai pris conscience que sans internet, je n’aurais pas tenu ! Tous les jours, j’étais en lien avec eux, cela m’a apporté un second souffle. Ils sont devenus des aidants secondaires, ceux qui entourent l’aidant principal. Et avec la mobilité professionnelle et l’éclatement des familles en France, il m’a paru intéressant d’intégrer les nouvelles technologies dans le soutien aux aidants pour qu’ils puissent se croiser, échanger, sourire et rire.
Et se sentir moins seuls ?
Sylvie Roussel : Et oui ! Lorsque vous avez quelqu’un de malade chez vous, beaucoup de gens viennent vous voir. Puis de moins en moins… C’était ça la vraie question : « Est-ce que les nouvelles technologies peuvent permettre de sortir de l’isolement ? Peuvent-elles mobiliser et remobiliser les liens familiaux et amicaux à distance dans des situations de vulnérabilité ? » J’ai développé plusieurs projets. 11 ont été financés mais au début il a fallu trouver des aidants !
Vous avez donné des tablettes tactiles aux aidants ?!
Sylvie Roussel : L’idée était d’équiper cent aidants de matériel de communication. Mais j’ai eu un mal fou à les trouver ! On s’est aperçu que les aidants n’existaient pas. En tout cas, on ne les voit pas. Le mot « aidant » a été inventé par les pouvoirs publics. Pour moi, l’aide aux aidants ne correspond pas à des dispositifs structurés en France. J’ai contacté des entreprises de services à domicile, elles n’avaient pas de fichiers d’aidants ! On les a trouvés et réunis autour d’un projet novateur. 70% ont choisi des tablettes tactiles grand public. 30% ont souhaité des tablettes gérontechnologiques utilisées aussi par leurs parents âgés qui ont pu, de cette façon, mieux se servir d’internet et profiter des liens tissés avec leurs petits-enfants et arrière-petits enfants. Ce qui les a intéressés ? Créer une communauté virtuelle entre pairs qui vivent la même chose. Avec l’idée de se rencontrer ensuite physiquement et de faire des choses ensemble. Les croisements quotidiens sur l’espace numérique ont suscité d’autres envies.
Vous avez organisé des ateliers pédagogiques…
Sylvie Roussel : Avec le centre pédagogique de formation des enseignants, nous avons fait des ateliers pour qu’ils puissent bien se servir des tablettes. Mais l’objectif était aussi de tenir compte de leurs désirs. On a fait des ballades, de la lecture, de la peinture, des rencontres conviviales. Des recettes de cuisine ont même été élaborées pour permettre à leurs « aidés » de manger autrement.
Est-ce difficile d’aider les aidants en France ?
Sylvie Roussel : Ce n’est pas difficile de les aider. Innover est difficile ! En France, on adore les mots « mutualisation, transversalité, innovation » mais dans les faits, culturellement, ce n’est pas totalement intégré dans les silos de nos administrations françaises. Un projet comme les universités des aidants s’adresse aux acteurs culturels, sportifs, médicaux-sociaux. Or, les pouvoirs publics ne nous voient que par l’axe médico-social, celui par lequel on veut mettre un psychologue derrière chaque personne ! Seuls deux aidants étaient en burn-out… Les autres ne voulaient pas d’un groupe de parole comme aux alcooliques anonymes !
Comment cette aide peut-elle se développer selon vous ?
Sylvie Roussel : Elle doit être complémentaire et se croiser avec différents secteurs. Des aidants, il y en a 15 000 dans le Val de Marne, 3 millions et demi pour les personnes âgées en France et 10 millions avec les handicapés. On est tous concernés ! Il est bon de rappeler que 27% des aidants sont obligés de diminuer leur temps de travail ou d’arrêter de travailler. Il faut mettre en place de nouveaux managements et accroître le télétravail par exemple !
Propos recueillis par Marina Lemaire.
Pour en savoir plus : Le site apporte une information aux aidants www.aidantattitude.fr