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Odile Plan : « Une richesse qui ne demande qu’à s’exprimer »

Publié le04-02-2016

Après une vie active consacrée au développement des territoires, Odile Plan, tout juste 70 ans, a fondé « Or Gris », une association qui veut promouvoir le vivre ensemble et la place des seniors dans les territoires ruraux. Entretien avec une infatigable défenseuse du troisième âge.


Usbek & Rica : Est-il possible de dresser un portrait type des seniors qui vivent dans les territoires ruraux ?

Odile Plan : Tout d’abord, il faut savoir que les personnes âgées sont très nombreuses dans les campagnes. En effet 65 % des plus de 60 ans vivent dans les territoires ruraux. Pour ce qui est de leur profil, on peut distinguer deux grandes tendances : il y a bien sûr les « autochtones », c’est-à-dire ceux qui sont nés, qui ont grandi puis vieilli en zone rurale sans jamais quitter leur terroir. Mais il y a aussi beaucoup – et de plus en plus – de seniors qui quittent la ville pour venir s’installer à la campagne après leur retraite. Ils peuvent le vivre comme un retour aux sources : c’est par exemple le cas pour ceux qui ont passé leur enfance dans un bourg et l’on ensuite quitté pour leurs études ou leur carrière. D’autres veulent tout simplement changer de mode de vie et s’offrir un quotidien plus proche de la nature, plus calme et peut-être plus agréable. Ils peuvent également rechercher une ambiance de village, une plus grande proximité avec le voisinage et des rapports souvent plus humains que ce que l’on peut trouver en milieu urbain.


U. & R. : « Quitter la ville pour une vie plus agréable », certes… Mais les territoires ruraux sont-ils vraiment adaptés aux personnes âgées ?

O. P. : Cela dépend, car il y a une grande diversité de territoires ruraux. Tout est question d’anticipation. Du point de vue des distances, l’isolement à la campagne est effectivement beaucoup plus important qu’en ville et cela peut être un véritable problème pour des personnes âgées qui perdent peu à peu en mobilité et donc en autonomie. Quand un retraité part vivre en milieu rural, il doit donc être conscient que ses capacités physiques vont décliner. Il faut par exemple essayer de s’installer à proximité des lieux de commerces et de services, se mettre également en contact avec des acteurs locaux susceptibles de se déplacer en cas de besoin. L’implication des acteurs locaux est indispensable au bien-être – et parfois même à la survie – des personnes âgées en territoire rural. En milieu rural, si on est isolé géographiquement, on trouve aussi plus de solidarité, de proximité. Les avancées des nouvelles technologies participent à trouver des solutions à certains de ces problèmes.


U. & R.
: Justement, les politiques et acteurs locaux sont-ils suffisamment présents dans le quotidien des « seniors ruraux » ?

O. P. : D’une façon générale, les politiques en matière de vieillesse sont plutôt conçues pour des environnements urbains mais, en milieu rural, on trouve pléthore d’initiatives qui vont dans le bon sens. Par exemple, à Brassac-les-Mines, en Puy de Dôme, il a été constaté que certaines personnes âgées résidant en zone de « montagne » durant les deux tiers de l’année, louent des meublés non adaptés sur Brassac-les-Mines, afin de se rapprocher des services de proximité durant la période hivernale. Parce que certains hivers, la neige bloque toutes les routes et isole complètement les habitants, avec les conséquences catastrophiques que l’on peut imaginer pour des personnes âgées. Afin de permettre aux publics les plus fragiles de continuer à vivre chez eux, la communauté de communes a créé au centre bourg une unité de vie adaptée* aux personnes âgées non dépendantes, en accueil saisonnier : quand les hivers sont trop rudes, les seniors descendent au bourg et, dès le retour des beaux jours, ils peuvent retourner vivre dans leur montagne en toute autonomie.


U. & R. : Au-delà de la simple notion d’autonomie, les seniors ont-ils une véritable place dans les tissus locaux des zones rurales ?

O. P. : Cela dépend bien sûr des personnes et de leur engagement local ou associatif. Ceux qui s’impliquent le plus sont soit les autochtones qui ont toujours mené des activités locales – et qui profitent logiquement de leur temps pour s’investir encore plus dans la vie de la municipalité – soit les nouveaux arrivants. Ceux-là vont souvent s’investir dans la vie locale, dans des associations de sauvegarde du patrimoine ou des groupes de protection environnementale, pour soutenir des initiatives comme le maintien des haies et la préservation du paysage. On peut aussi faire du soutien scolaire ou s’engager dans des associations de lecture comme « Lire ou faire lire ».
Dans les bourgs aussi, beaucoup vont s’impliquer dans les organisations d’aide à l’insertion professionnelle ou à la création d’activité : ils deviennent tuteurs, référents de jeunes en formation ou de créateurs d’entreprises qui auraient besoin de réseaux. Des réseaux dont les seniors disposent plus facilement que les jeunes.
Les seniors, natifs ou nouveaux arrivants, sont une véritable ressource pour les territoires ruraux.


U. & R. : L’engagement des seniors se manifeste donc généralement au profit des jeunes générations ?

O. P. : Oui, l’intergénérationnel est un véritable enjeu dans les milieux ruraux et c’est là que les seniors peuvent être les plus utiles. On a beaucoup parlé récemment de l’initiative de l’association Flotescale à Clamecy (Nièvre)**, où un groupe d’une vingtaine de retraités s’est mis en tête de reconstruire un authentique train de bois – c’est-à-dire une sorte de radeau qui acheminait, il y a encore deux siècle, du bois jusqu’à Paris. Pour relever ce défi, ils ont recruté six jeunes en contrats aidés. Main dans la main, cette équipe composée de jeunes et de seniors est ainsi parvenue à mener le projet avec succès. Suite à cette expérience, cinq de ces jeunes ont trouvé un emploi durable. Et c’est en partie ce groupe de « vieux » qui leur a permis de s’insérer dans le monde professionnel. On voit donc bien que les seniors, en milieu rural comme ailleurs, constituent une richesse qui ne demande qu’à s’exprimer !

 

Usbek & Rica

 

* UVA : Unité de Vie Adaptée au handicap et aux personnes âgées non dépendantes à Brassac les Mines (63)
** Flotescale : Quand les seniors font revivre l’histoire du flottage du bois dans le Nivernais Morvan.

Tags : Maintenir le lien social