Plus de quatre millions d’aidants accompagnent une personne de leur entourage âgée de plus de 60 ans. Parmi eux, 47 % occupent un emploi. Les salariés-aidants doivent jongler entre leur travail, leur vie familiale et le temps qu’il leur faut consacrer à un parent ou conjoint malade. Les entreprises ont conscience de cet enjeu et commencent à s’organiser pour répondre à leur situation et besoins particuliers.
Le premier besoin des aidants-salariés, c’est le temps. Ils ont besoin d’heures, de jours, pour pouvoir s’occuper de leur proche. C’est sur ce point que les entreprises peuvent agir en priorité. Lydie Recorbet de l’Observatoire de la responsabilité sociale en entreprise, l’ORSE, responsable de l’édition du « guide des salariés-aidants » publié en partenariat avec l’Union des familles (Unaf) explique que l’information sur les congés possibles est déjà un premier levier.
« Souvent les responsables de ressources humaines et les salariés-aidants ne savent pas quels sont les congés auxquels ils ont droit » dit-elle (voir encadré ci-dessous).
Les entreprises peuvent également négocier avec les syndicats des accords spécifiques pour la création de nouveaux dispositifs. C’est le cas de Casino, le groupe stéphanois qui a été pionnier en la matière en mettant en place début 2013 le congé spécifique d’aidant. Pour Elisabeth Alvès, qui l’a mis en place, cela a été le fruit d’une longue prise de conscience. « En 2010, quand on m’en a parlé la première fois, je n’avais jamais entendu parler d’ aidant-salarié, ni personnellement, ni professionnellement ». Depuis, les salariés peuvent bénéficier, grâce aux dons de leurs collègues, de 12 jours de repos rémunérés*.
A la Macif, les salariés peuvent bénéficier, grâce à des accords d’entreprise, de mesures pour réorganiser leur temps de travail (aménagement des horaires, passage à temps partiel ou au télétravail) et d’autorisations ponctuelles d’absence. La mutuelle propose également un soutien financier par des prêts (pour les enfants handicapés) et finance des congés non rémunérés grâce au Compte Epargne Temps.
Un tiers de confiance pour accompagner le salarié-aidant
Autre levier pour les entreprises, la possibilité de proposer aux salariés-aidants un tiers de confiance. C’est une façon de détecter le besoin du salarié, par le biais de la médecine du travail ou des assistantes sociales. C’est ce que fait BNP Paribas France pour ses salariés. « La responsabilité sociétale fait partie de l’ADN de l’entreprise », explique Danielle Legros, responsable de l’action sociale. « Nous avons une politique permettant à chaque salarié d’être en lien avec une assistante sociale. Les assistantes sociales sont sensibilisées sur les besoins et les problématiques que rencontrent les salariés-aidants. L’accompagnement personnalisé qu’elles assurent auprès d’eux commence toujours par l’écoute, l’information adaptée et la recherche de partenaires. »
Par ailleurs, l’Action Sociale de BNP Paribas rédige des guides à destination des collaborateurs, organise des conférences d’information en partenariat avec l’Association française des aidants.
Pouvoir continuer à travailler
Les aidants doivent bénéficier d’un environnement de travail accueillant et compréhensif. Pour cela ils ont besoin d’accompagnement et de reconnaissance, pour continuer à se sentir bien dans leur entreprise. Quand ce n’est pas le cas, cela peut en effet être la double peine. Pour cet homme travaillant dans la recherche, devoir s’occuper de sa femme malade a nettement compliqué son quotidien, comme il l’expliquait à la journée France Alzheimer en décembre dernier : « je n’imaginais pas un jour me sentir moins performant au travail », explique-t-il. C’est pourtant ce qui lui est arrivé, et il n’a reçu aucun soutien de son employeur, qui, informé, a préféré ignorer le problème.
Lydie Recorbet rappelle à ce propos que les responsables de ressources humaines qui se sont intéressés à la question soulignent tous que « les personnes tiennent à continuer à travailler. C’est important pour elles, pour ne pas se retrouver enfermées dans le statut d’aidant ».
Les salariés-aidants ont enfin besoin d’être valorisés. De plus en plus d’observateurs mettent l’accent sur le fait que devenir aidant leur permet de développer des compétences qui peuvent être utiles à l’entreprise. Ainsi, souvent ils s’organisent mieux, notamment dans l’urgence. Certaines études menées outre-Manche (il n’y en a encore pas eu sur le sujet en France), montrent qu’aider les aidants en leur offrant du temps et de l’accompagnement permet une amélioration de la qualité de vie au travail, et peut renforcer la productivité. Comme le souligne Danielle Legros, « des employés moins stressés, plus heureux, reconnus, cela ne peut qu’être bénéfique pour l’entreprise »…
La prise en compte et la reconnaissance de l’aidant-salarié commencent donc à être une réalité. Toutefois, elle reste largement l’apanage des grandes entreprises, qui disposent, il est vrai, de plus de leviers d’action. Dans les petites entreprises, lorsqu’une situation difficile se présente, elle se règle en général plus au cas par cas.
– Le congé de présence parentale permet d’assister son enfant atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident grave.
– Le congé de soutien familial permet de s’occuper d’un proche en situation de handicap ou en perte d’autonomie importante. Non rémunéré, il est de 3 mois, renouvelable, sans excéder la durée d’un an pour l’ensemble de la carrière professionnelle.
– Le congé de solidarité familiale permet d’accompagner un proche souffrant d’une pathologie mettant en jeu son pronostic vital. Sa durée est de 3 mois, renouvelable une fois. L’octroi de l’allocation journalière d’accompagnement est possible.A l’issue de son congé, le salarié-aidant retrouve son emploi ou un emploi équivalent assorti d’une rémunération au moins équivalente. Les avantages liés à l’ancienneté restent acquis.
Sandrine GOLDSCHMIDT
*Accord de janvier 2013 à durée indéterminée : le salarié-aidant peut demander 12 jours ouvrables une fois par an. Les salariés peuvent donner 12 jours maximum, mis dans un pot commun du groupe (40.000 collaborateurs). En 2013, l’entreprise a donné 100 jours et les salariés 128, 21 demandes ont été faites. En 2014, l’entreprise a donné encore 100 jours et les salariés 247, pour 30 demandes.